Jambalaya, toute une histoire

“Raconte moi une histoire

Si on ferme les yeux devant ce grand plat familial en cuisson et son parfum qui s’en émane, on s’évade aussitôt par la pensée et les rêves.

On ressent d’abord la présence du daron, fourbu par sa journée de pêche ou de culture. On l’imagine portant son éternel chapeau de paille usé vissé sur la tête qui le caractérise tant et qui le protège du soleil pesant de notre Louisiane.

Son visage buriné par le temps et les soucis, la peau ambrée, fanée, tailladée par les rides, il porte une barbe blanchie par les années de dureté de 3 ou 4 jours et son ample salopette de coton Denim maculée et usée jusqu’à la trame renvoie l’odeur de sueur  et de terre et de mer.

Derrière, la grand-mère chante en berçant le dernier né de mes petits frères des comptines d’un français qui nous est familier que les plus grands reprennent d’un mélange de dialectes anglais et irlandais qu’ils entendent dans l’unique classe de l’école du village tenue par Miss Woodlock. Les cadets, quant à eux jouent prêt de la cheminée noircie tenant à l’épaule un bâton en guise de fusil mimant les gestes du grand-père chassant l’aligateur du bayou et le raton laveur des chemins alors que les grandes sœurs telles des petites épouses en devenir aux longs cheveux tressés, s’activent consciencieusement à aider Mère à la préparation du jambalaya dominical 

Je suis tant  heureuse, cousin Dennis a fait un long voyage, il vient de France, pays de grand Papi et de grand Mamie pour nous voir, Il semble bien interressé par la cuisine de Mam et de notre Jambalaya. Ce soir c’est repos pour Père, oncle Bob et pour notre serviteur noir Cotton N’Joe.

Demain, c’est grand jour ; Père mettra son costume et mère revêtira sa belle robe du dimanche et nous nous retrouverons avec Oncle Samy et les neighbors ; ainsi nous prendrons la charrette et nous nous rendrons à l’église  prier Dieu notre sauveur pour que la récolte de riz soit bonne et la pêche généreuse puis nous chanterons avec les gens noirs de la chorale de l’église dans la grand rue de notre petite ville

…Mais, réveillons nous, rouvrons les yeux et goûtons la jambalaya fumante qui est fin prête maintenant et qui nous rappelle nos cousins d’Amérique.